Une Cendrillon d’opérette
Ancré dans l’imaginaire collectif, le célèbre comte de Perrault connaît plusieurs versions chantées dont celle de Pauline Viardot, cantatrice et compositrice du XIXe siècle. Poétique et léger, cet opéra comique de salon présenté au Théâtre des Sources le 13 février devrait séduire un public de 7 à 77 ans.
Entretien avec Françoise Tillard, direction musicale et piano.
En quoi cette histoire de Cendrillon est-elle différente de celle que l’on connaît ?
Lorsqu’on évoque Cendrillon, on pense tout de suite à une citrouille, une pantoufle, deux méchantes sœurs, un Prince charmant et un bal. On retrouve une bonne partie de ces ingrédients dans le livret de Pauline Viardot. Ici, Cendrillon est la fille d’un soit-disant baron. Sa mère a disparu. Une fée à la fibre maternelle lui sert un peu d’ange gardien. Après des années de bagne, le père de Cendrillon parvient à faire fortune sans que l’on sache bien comment. Mais Cendrillon est écartée de cette fortune nouvelle, comme si sa présence renvoyait le baron à son passé d’épicier. Puis, comme chez Rossini, le Prince Charmant arrive, déguisé en mendiant puis en chambellan du Prince.
Qu’est ce qui vous a plu dans cette histoire ? En quoi est-elle encore actuelle ?
J’aime beaucoup l’humour avec laquelle cette histoire est traitée, humour que l’on retrouve dans la partie musicale écrite avec beaucoup de légèreté. Les personnages ont leur part d’ambiguïté, c’est ce qui les rend amusants. Le baron, par exemple, qui est censé dominer les autres personnages par sa position sociale, intervient à de nombreuses reprises dans la pièce avec cette réplique : « Je ne sais pas ce que j’ai, je me sens triste aujourd’hui ». Ce qu’il aurait finalement aimé, c’est de continuer à vendre du pain d’épices. Ce paradoxe des personnages permet de ne pas alourdir le propos. Il s’agit d’une comédie, donc d’une pièce joyeuse.
Comment la mise en scène traduit-elle cette légèreté ?
La mise en scène joue beaucoup sur la proximité avec le public : Cendrillon se glisse parfois dans le public ce qui amuse beaucoup les enfants. De plus, le rythme général est rapide : les tableaux et les changements de décor s’enchaînent vite… En une heure et quart, on n’a pas le temps de s’ennuyer !
Quelle femme était Pauline Viardot ? Qu’est ce qui vous a intéressé dans son travail ?
Cela fait longtemps que je m’intéresse aux compositrices. En 1985, j’ai réalisé un des premiers disques noirs sur Fanny Mendelssohn et j’ai écrit sa biographie en 1992, rééditée en 2007. J’ai réussi à recréer La Esmeralda de Louise Bertin sur un livret de Victor Hugo. Je travaille sur Mel Bonis… Actuellement je redécouvre la femme de lettres Constance de Salm. Depuis toujours, des préjugés ont nui à la carrière de la plupart de ces femmes. Pauline Viardot a connu ses heures de gloire dans sa carrière de cantatrice. Elle fut moins connue en revanche pour son activité créatrice. Ainsi, peu sont ceux qui connaissent les trois opérettes, les nombreuses mélodies et les quelques pièces pour violon et pour piano qu’elle a laissées. Le regard qu’elle porte sur son époque, sur cette société en pleine mutation, est pourtant riche de sens. Avec « sa » Cendrillon, elle nous tend un cadeau sans prix : un divertissement populaire de haute qualité musicale.