Pauline Viardot, cette amie proche

La vie de Pauline Viardot éblouit les snobs de la musique. Elle a apparemment connu  tout le monde, son carnet des adresses accumulées au cours de sa longue vie (1821-1910) pourrait servir de bottin mondain et artistique du XIXème siècle. De Musset à Fauré, tous sont là, et tous l’ont admirée, voire aimée. Son activité créatrice en revanche est bien souvent passée sous silence. Sans même parler de sa composition, sait-on que cette grande cantatrice a édité des recueils d’airs anciens, qu’elle admirait Haendel ? Qu’elle fit don à la Bibliothèque Nationale du manuscrit du Don Giovanni de Mozart ?

La carrière de cantatrice de Pauline Viardot fut très brillante mais assez courte. Élève de son père Manuel Garcia, sœur de la Malibran et du grand professeur de chant Manuel Garcia fils, elle fut projetée sur scène dès l’âge de dix-neuf ans. Elle montrait des dons pour tout : excellente pianiste, peintre, linguiste… Elle brillait dans tout ce qu’elle touchait. Elle quitta cependant la scène au premières défaillances de sa voix de mezzo à la tessiture très longue et se consacra tout simplement à la vie.

Ce serait en effet une erreur de l’imaginer en génie créateur se retirant dans une tour d’ivoire pour laisser à la postérité une œuvre immortelle défiant les règles et le monde. Cette attitude serait peut-être imaginable pour un homme. Pauline aimait le présent, la transmission de son art à ses élèves, l’éducation de ses enfants, le commerce avec ses amis, et la musique qu’elle écrivait faisait partie de cet amour de la vie.

Elle a laissé trois opérettes, dont deux écrites à Baden-Baden sur des livrets de Tourgueniev, de nombreuses mélodies, quelques pièces pour violon et pour piano. Toutes ces œuvres reflètent le plaisir d’être au monde et de faire de la musique. Cendrillon, sa dernière opérette, donnée en 1904 dans un salon parisien ami et dont elle écrivit elle-même les paroles, est elle aussi un moment de joie. L’idée même du conte de fée, même si l’envers du décor n’est pas forcément rose, montre un réel optimisme. Au moment où Pauline écrit cette œuvre charmante, elle a tout entendu : Brahms, Liszt, Fauré, Wagner, Puccini, Debussy… et elle sait à quel point la musique peut se montrer complexe, fouillée, et par là même sombrer dans l’intellectualisme.

A cela elle réagit en femme de théâtre et subtile musicienne : rien ne s’arrête jamais dans Cendrillon pour cause de complication mélodique ou harmonique, mais rien n’y est non plus jamais banal. Tout sert le récit théâtral, les voix (ô combien !), le plaisir, la vie…

Et c’est en cela qu’aujourd’hui Pauline nous est proche. Nous ne voulons pas d’un art simpliste et démagogique, mais nous ne voulons pas non plus de l’expression d’une pensée incompréhensible et prétentieuse. A un siècle de distance, nous comprenons les préoccupations artistiques de cette femme extraordinaire et la remercions du cadeau qu’elle nous tend : un divertissement populaire de haute qualité musicale.

Françoise Tillard

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